Nous avons de nos jours pléthore d’œuvres littéraires qui se veulent préoccupantes, voire alarmistes, sur l’avenir qui attend notre espèce, sur les sources d’énergies qui seront utilisées dans le futur etc. Les manga se sont emparés tout aussi excessivement de cette thématique, prédisant pour notre espèce des destinées très dystopiques [lisez notre article sur Fool Night T1]. Mais aujourd’hui, nous allons nous intéresser à un manga précurseur sur le sujet : les conséquences de la conquête spatiale. Planetes T1, sorti originellement en 1999 au Japon, nous décrit en effet un futur où l’homme a réussi à coloniser le cosmos et à construire notamment des infrastructures sur la Lune, mais qui a, pour accomplir pareille conquête, pollué l’espace tout autour de la Terre…
Dès la première de couverture, nous perdons nos repères. Sans le titre « PLANETES », nous pourrions presque croire que nous allons entrer dans une histoire se déroulant dans les fonds océaniques, avec des personnages en scaphandriers, puisque « l’espace » que nous contemplons est similaire en de nombreux points à des paysages sous-marins. L’un des protagonistes du récit dira d’ailleurs, en parlant de l’espace : « C’est ma mer à moi ». Une telle analogie est donc bien présente au sein même de l’histoire !
Ensuite, nous basculons dans une réalité où l’heure n’est plus à la poésie. En effet, nous découvrons un futur où les débris spatiaux sont un danger pour les vaisseaux naviguant dans le vide intersidéral, et qu’il est vital de les éliminer. Pour cela, des « récupérateurs de débris » sont missionnés pour désencombrer l’espace saturé autour de la Terre, planète rendue exsangue, surexploitée jusqu’à sa dernière ressource par l’Homme… L’espace est alors à la fois une terre promise et une terre d’exil. Or, l’espèce humaine n’apprit pas pour autant de ses erreurs et continue à cette époque de polluer, hypothéquant jour après jour son avenir, car la Terre est également menacée par ces débris de satellite et de fusées abandonnés à la dérive, aussi nombreux que les étoiles…
A bord du Toy Box, un vaisseau de récupération de déchets spatiaux, nous faisons très vite la connaissance d’une équipe de nettoyeurs : Yuri, un homme peu prolixe dont le regard se perd souvent dans quelques nébuleuses lointaines ; Hachimaki, un jeune homme qui souhaite un jour explorer Jupiter, et Fi, une pilote hors pair au caractère bien trempée.
Ses cosmonautes d’un genre nouveau, condamnés comme Sisyphe à une besogne interminable dont ils ne verront probablement jamais les résultats, multiplient les sorties extravéhiculaires, remorquant carlingues et autres morceaux en métal dans leur sillage. Et le monde autour d’eux n’est pas plus calme qu’à notre époque : les pouvoirs politiques veulent poursuivre la conquête spatiale au mépris du bien-être des générations futures, des groupuscules terroristes empoisonnent la vie des cosmonautes en escale sur la Lune… Le monde semble avoir continuer sur sa lancée, et l’une des plus funestes pour notre espèce…
Nos coups de cœur : Nous avons adoré découvrir un nouveau métier, celui d’éboueur-recycleur de l’espace. Nous imaginons souvent à quoi ressemblerait notre monde dans le futur, quelle forme prendraient nos villes par exemple, mais nous ne nous projetons pas suffisamment sur de tels détails. La découverte de cette profession nous a d’ailleurs rappelé le petit Mitsu, laveur de vitre dans une station spatiale dans le manga La Cité Saturne d’IWAOKA Hisae. Nous avons apprécié également le fait que l’équipe du Toy Box soit confrontée à des problèmes triviaux, très présents dans notre société actuelle, comme le manque flagrant de moyens (leur vaisseau est rapiécé à chaque « pluie » de débris), une demande toujours plus grande des grandes firmes et peu de personnel pour réaliser des tâches considérées comme dangereuses, pénibles et ingrates. Cela nous donne un aperçu assez réaliste de ce qui pourrait advenir dans quelques dizaines d’années, si nous ne changeons pas nos habitudes… Enfin, certains rituels, comme le fait qu’une boussole devienne un porte-bonheur dans l’espace, où aucun repère n’existe plus, nous font nous identifier à ces personnages du futur. En effet, au-delà de son utilité première dorénavant caduque dans l’espace, la boussole revêt une signification toute particulière : celle de notre besoin de nous raccrocher à quelque chose, et ce, peu importe le caractère absurde du geste. Bienvenue en l’an 2075 !
Informations :
Dessin & scénario : YUKIMURA Makoto
Traducteur : Xavière DAUMARIE
Titre original : プラネテス – ΠΛΑΝΗΤΕΣ
Type : seinen
Editeur VF : Panini
Parution : 15 juin 2022
Prix : 16,99 €
Par Léa van Cuyck