La bibliothèque des rêves secrets : cinq chapitres, cinq histoires. Une seule envie : évoluer.
La littérature est, avant tout, une affaire personnelle. Qu’elle soit produite ou réceptionnée, elle est toujours interprété par rapports aux vécus de gens qui la vivent et qui la lisent.
Avez-vous déjà lu des livres, des histoires, ou bien des lettres qui vous ont fait couler des larmes ? Nous ne parlons pas de larmes de tristesse, mais, plutôt, des larmes qui sont apaisantes et conciliantes, comme la rosée du matin. La bibliothèque des rêves secrets possède ce pouvoir : des portes coulissantes s’ouvrent sur les vies de cinq personnages, au long de cinq chapitres, afin de vous redonner goût à la vie. Premier ouvrage de littérature de l’intime des éditions Nami (« vague » en japonais, 波), attendez-vous à être ému, si vous êtes un peu sensible à ce type d’écriture. Mais il ne faut pas être peureux, car la main attentive et délicate de Michiko Aoyama sera là pour vous caresser le cœur au fil des pages.
Les cinq personnages du roman-choral ont âge, sexe, passions et travails différents. Malgré cela, lorsque les lecteurs les rencontrent, ils ont une chose en commune : ils se retrouvent dans une impasse dans leur vie. Tomoka, jeune diplômée travaille en tant que vendeuse du rayon du prêt-à-porter féminin ; Ryô a trente-cinq ans, mais ne voudrait plus travailler dans son entreprise ; Natsumi a eu une fille, et sa carrière ainsi que ça vie subissent un coup d’arrêt ; Hiroya est sans emploi et ne sait pas où orienter sa propre vie ; enfin, Masao, parti récemment à la retraite, se rsent exclu de la société.
Michiko Aoyama ©courtoisie de l’autrice
Bien qu’ils ne s’en rendent pas compte, les cinq ont la force de vouloir changer les choses. Grâce à un premier pas bénéfique, ils se rendent dans une bibliothèque au sein d’un centre social de leur quartier. Le schéma est toujours le même : ils arrivent dans ce centre par ouï-dire, pour des formations ou des informations, et ils découvrent la bibliothèque. Ils y rentrent et Nozomi Morinaga – apprentie bibliothécaire – est la première personne qui rencontrent. Ensuite, elle les guide vers la bibliothécaire, une femme hors du commun qui a pour passion le feutrage à aiguille. Brusque mais attentive, elle écoute les requêtes des cinq personnages, et leur donne une liste avec de livres, dont un est toujours délié de toute relation avec leurs demandes. Curieux, ils entament la lecture de ces livres mystérieux, peut-être un peu dubitatif au début. Mais, petit à petit, ils se redécouvrent et comprennent que l’étincelle qui les faisait vivre n’a jamais disparu.
Ainsi, à travers la cuisine, les poèmes, les livres, la famille et leurs amours, ils décident de se donner une nouvelle chance, une nouvelle vie.
Michiko Aoyama, nous apprend que dans la vie, il n’est jamais trop tard pour (re)commencer. Elle nous apprend aussi l’importance des personnes qui nous entourent, et l’importance d’être attentifs aux mots et aux gestes des autres – comme la bibliothécaire le fait. Elle nous apprend, enfin, la puissance des livres. Les discours sur les livres, les recueils de poèmes, et l’écriture sont à la fois le centre et la « périphérie » de ce livre. Les considérations sur la valeur du livre sont présentes au sein de cinq chapitres. Pour nous dévoiler finalement que « Le lecteur associe des phrases à sa propre vie et en retire quelque chose de personnel, sans lien avec l’objectif initiale de l’auteur » p. 340.
Cette vérité est peut-être une constante dans la littérature classique japonaise, depuis toujours. Le pouvoir des mots dépasse les époques, les diversités, et les incompréhensions. Préparez-vous à plonger aussi bien dans leurs vies que dans la vôtre, car, comme dit Ki no Tsurayuki ((紀貫之, ca. 872- ca. 945) dans le Journal de Tosa, aux alentours de l’an 905, de l’époque de Heian :
« […] De Morokoshi (la Chine) et de ce pays-ci, le langage certes diffère, mais puisque pareil à coup sûr est le clair de lune, pourquoi n’en serait-il pas de même du cœur humain ? » SIEFFERT René (trad.), Le Journal de Tosa, Publication orientalistes de France, 1993, p. 36.
INFORMATIONS :
Auteur : Michiko Aoyama
Traduction : Alice Hureau
Editeur : Nami
Prix : 19 €
Pages : 352
Date de parution : Le 17 mai 2022
Par Paolo Falcone