Les sorties cinéma se font rares, mais certains ne nous font pas faux bond, alors parlons-en !
Quel plaisir de retrouver la tête d’ahuri de Lupin III ! Grand moment de nostalgie avec ce retour dans les années 1980 ! En effet, en France, la série animée avait été diffusée dans FR3 Jeunesse à partir du 12 septembre 1985 sur FR3, mais sous le titre Edgar, le Détective Cambrioleur. Et dès 1971 au Japon ! Pour des histoires de droit, le nom Lupin ne pouvait pas être utilisé. Le manga, lui, a été créé il y a 50 ans par Monkey Punch (nom de plume du mangaka Kazuhiko Katō, décédé en avril 2019).
Dans ce long métrage de Takashi Yamazaki, qui sort le 7 octobre 2020 et se déroule dans les années 1960, Lupin troisième du nom est à la poursuite d’un journal enfermé dans une cage dorée qui ne s’ouvre qu’avec une clé particulière et que tout forçage ferait exploser. L’ouvrage contiendrait un incroyable « trésor ». Mais, sur son chemin, Lupin va croiser la jeune Laëtitia qui cherche également à voler ce journal. Les deux voleurs (et pas qu’eux…) vont finalement se liguer dans cette quête pour découvrir de rebondissement en rebondissement que personne, ni rien, n’est ce qu’il prétend être et qu’un terrible projet est en marche.
Le rendu 3D de cette aventure est superbe, entre le réalisme de certaines matières et textures (comme les tissus, les cheveux, etc.) et de la lumière, tout en gardant le surréalisme des visages manga (des yeux démesurés de Laëtitia aux grimaces habituelles de Lupin). Les points de vue des caméras et les effets réalistes de profondeur de champ, travelling, etc. nous place véritablement entre le dessin animé et le film.
La présence de Fujiko, voleuse au charme irrésistible, rend le tout ponctuellement sexy sans en faire trop afin que le film reste tout à fait convenable pour tous les âges. On y retrouve également les coéquipiers de Lupin (Daisuke Jigen et Goemon Ishikawa), l’inspecteur Zenigata, et la non moins célèbre Fiat 500 jaune !
Un bon scénario, des images superbes, des rebondissements et des cascades digne de Mission Impossible, une bonne dose d’humour, ce film est plus qu’un bon moment à passer pour toute la famille !
Entretien avec Takashi Yamazaki
Il paraît que vous adoriez le dessin animé Lupin III quand vous étiez enfant. À quand remonte votre premier souvenir de LUPIN III ?
Un jour que nous nous rendions en famille à Yokohama, je suis tombé pour la toute première fois sur des images de Lupin. J’ai été littéralement frappé par l’animation très « adulte » de la série, et je me suis dit qu’il n’y avait qu’à la ville, ici Yokohama, qu’on pouvait voir des trucs comme ça ! L’image de Lupin et de cette grande métropole n’ont fait plus qu’un en moi, et ces deux éléments sont très longtemps restés associés l’un à l’autre.
Je me souviens aussi de la bande-annonce complètement extravagante du premier film de Lupin, Le Secret de Mamo. Lupin déboulait enfin sur grand écran ! Dès que le film est sorti, je me suis empressé d’aller le voir au cinéma. Par la suite, c’est surtout les travaux de Hayao Miyazaki sur cette licence qui m’ont marqué : le film Le Château de Cagliostro, ainsi que les deux épisodes de la seconde série télévisée Albatros les ailes de la mort et Adieu Lupin bien-aimé.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous êtes devenu réalisateur et scénariste de ce film ?
Au départ, on a fait appel à moi en tant que simple conseiller. Puis, un jour, on m’a finalement proposé de me charger de la réalisation. Le problème, c’est qu’en tant que membre du studio Shirogumi, ça me paraissait difficile de travailler pour un autre studio. Mais je suis un grand fan de Lupin et je ne pensais pas qu’une occasion semblable se représenterait de sitôt. Alors je les ai pris au mot et j’ai accepté leur proposition Ces dernières années, je me suis rendu une fois par semaine chez Marza Animation Planet pour y mener des réunions avec les équipes artistiques, d’animation, celle responsable des finances, etc. À chaque fois, je rentrais chez moi complètement épuisé. (rires)
Avec quelle vision du film en tête avez-vous procédé à l’écriture du scénario ?
Dans les films japonais en prise de vues réelles, il est difficile de concevoir des histoires qui se passent à l’étranger. En revanche, c’est tout de suite plus facile dans un film d’animation en images de synthèse, et c’est ce que j’ai eu envie de faire. Je ne voulais pas d’un lieu fictif, mais d’un véritable endroit quelque part dans le monde, afin que l’action puisse se dérouler dans plusieurs lieux à la fois, comme dans un film de 007. Ceci tout en préservant les aspects les plus classiques de Lupin, comme son don pour le déguisement ou bien encore la capacité de Zenigata à le poursuivre jusqu’au bout du monde.
Pouvez-vous nous en dire plus au sujet du personnage nommé Laëtitia ?
J’avais envie de créer un personnage dont les yeux brillent quand il parle de ce qu’il aime. Quand Laëtitia se met à évoquer l’archéologie, elle a le visage qui s’illumine et on comprend tout de suite que c’est sa passion. Mais la situation l’oblige à dissimuler, à réfréner cette vocation. Je voulais que Lupin joue le rôle d’un libérateur, qu’il lui permette de s’émanciper et de laisser libre cours à ses sentiments.
Il y a eu 12 versions pour le scénario et 3 pour le storyboard (story reel). Un grand soin semble avoir été apporté à l’élaboration du récit.
Le studio Marza est connu pour travailler de cette façon très « hollywoodienne », c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai eu envie de prendre part à ce projet. À la différence du procédé classique qui veut qu’on écrive le scénario, puis qu’on dessine le storyboard avant de réaliser les images de synthèse, ici on élabore d’abord une première version en image, avec les voix des doubleurs, qu’on montre à plein de personnes, puis on répète le processus. C’est la raison pour laquelle les avis d’une grande diversité d’individus sont présents dans le scénario. Personnellement, j’ai eu l’impression de travailler sur le modèle d’un régime délibératoire.
Il paraît que des animateurs impliqués dans les premiers films, et aujourd’hui élevés au rang de légende, ont aussi pris part à l’aventure…
En effet, certains d’entre eux se sont joints à nous sur quelques scènes. À chaque fois que leurs dessins me passaient entre les mains, je ne pouvais plus retenir ma joie. En tant que fan de la série, le fait d’avoir pu travailler avec ces animateurs, ainsi qu’avec la voix originale de Lupin (depuis 1995), a été une immense satisfaction.
Pourriez-vous nous parler de la musique composée par Yuji Ohno ?
Je suis de l’époque des films de la Kadokawa, vous savez : Inugami-ke no ichizoku (The Inugamis, en anglais) ou bien encore Ningen no shômei… J’aime les compositions de cette époque.
J’adore aussi les musiques de Lupin III qui sont gravées en moi. Alors travailler avec le grand Ōno fut comme un rêve éveillé. J’apprécie tout particulièrement le thème principal du film Le Château de Cagliostro, Honoo no takaramono, mais ça ne m’a pas empêché de demander à monsieur Ōno d’essayer de faire encore mieux que sur ce titre. J’ai l’impression qu’il m’a entendu, car le résultat est là.
Comment se sont passés vos échanges avec Monkey Punch ?
C’est dommage car j’espérais le rencontrer en personne mais malheureusement cela n’a pas été possible. Il avait cependant accepté de jeter un oeil aux personnages dans certaines scènes très importantes, ainsi que de lire le scénario. Ses retours étaient toujours encourageant et il se réjouissait de voir le film. Il m’a laissé entièrement libre de mes choix.
De mon côté, je suis très honoré d’offrir à la lignée des Lupin III, qui compte nombre de chefs-d’oeuvre, son premier film en animation 3D.
Pour finir, un message à adresser à ceux qui vous liront ?
Je me suis efforcé d’intégrer dans ce film toute la classe et le charme de Lupin et de ses amis, afin de me rapprocher le plus possible de l’image de ce héros qui nous est si cher. J’espère que ce film vous divertira, tout simplement.