Japan Magazine a eu l’opportunité de rencontrer Alexis Tallone, artiste et créateur talentueux, alors qu’il prépare une nouvelle adaptation de Capitaine Flam, une figure incontournable de la science-fiction des années 1980.
Ce reboot très attendu promet de redonner vie à ce héros culte, tout en le modernisant pour les générations actuelles. Alexis nous raconte son parcours éclectique, ses inspirations, et ses ambitions pour ce projet, notamment en collaboration avec les éditions Kana.
Des débuts variés : un parcours dans l’art, la publicité et le cinéma
Japan Magazine (JM) : Merci beaucoup, Alexis, de nous accorder cette interview. Avant d’entrer dans le vif du sujet concernant Capitaine Flam, pouvez-vous nous raconter brièvement votre parcours ?
Alexis Tallone (AT) : Mon parcours est assez diversifié. Je suis diplômé en communication graphique et j’ai commencé dans l’univers de la publicité, le packaging et l’imprimerie. J’ai notamment travaillé sur des techniques d’offset anciennes qui étaient encore très manuelles. Petit à petit, je me suis orienté vers le monde du décor de films, où j’ai eu la chance de collaborer avec des artistes tels que Patrice Garcia (connu pour son travail sur Arthur et les Minimoys et Le Cinquième Élément). À Paris, j’ai travaillé sur des storyboards et du design, et j’ai finalement renoué avec mes premières amours : les covers de jeux vidéo, la sculpture et la pop culture. Aujourd’hui, je travaille chez Prime Prod, où je suis en charge de projets liés à des licences cultes comme Goldorak et d’autres encore tenues secrètes.
Un univers imprégné de pop culture japonaise et américaine
JM : Vous semblez être très ancré dans l’univers de la pop culture des années 80. Est-ce que cela a influencé votre approche artistique, notamment dans le manga ?
AT : Absolument ! Je suis un collectionneur invétéré, presque malgré moi. Mon chez-moi est un véritable musée des années 1980 : laserdiscs, vinyles, objets de collection tirés de la pop culture japonaise et américaine, comme les blockbusters ou les comics des années 1970. Cette passion transparaît dans mes œuvres, que ce soit à travers des sculptures ou des publications en auto-édition. J’ai notamment co-réalisé Derfold Saddler avec mon épouse. J’avais un projet sur Sherlock Holmes qui, malheureusement, n’a pas abouti pour des raisons de droits. Par la suite, nous avions commencé à travailler sur Lupin, en collaboration avec Bernard Deyriès (dessinateur français, ndlr) et Christel Hoolans, directrice générale des éditions Kana, mais ce projet s’est arrêté brutalement avec la disparition de Monkey Punch (mangaka, auteur de Lupin III, ndlr). Cela a été un coup dur pour nous. C’est de là qu’a émergé l’idée de Capitaine Flam.
Le projet Capitaine Flam : entre héritage et modernité
JM : Parlons justement de Capitaine Flam. Ce héros a marqué toute une génération. Pourquoi avoir choisi de relancer ce projet ?
AT : En 2019, après l’arrêt du projet Lupin, Christel Hoolans m’a proposé de me lancer dans une nouvelle aventure : Capitaine Flam. Pour moi, c’était un Everest ! Cette série incarne toute l’essence de la science-fiction des années 1970-1980. Elle a influencé des œuvres majeures comme Star Wars, et elle-même a été influencée par la littérature SF de l’époque, notamment les romans de Hamilton, l’auteur à l’origine du personnage de Captain Future. Le défi était de taille : comment moderniser une œuvre aussi culte tout en respectant son héritage ? Nous avons travaillé pendant plus d’un an et demi sur le design, en nous imprégnant des romans, des différentes adaptations et des illustrations originales. Le but était de trouver un équilibre entre la nostalgie des fans de l’époque et une approche visuelle plus contemporaine.
JM : Comment avez-vous réinventé ce héros pour le public d’aujourd’hui ?
AT : Nous avons gardé les éléments emblématiques qui parlent immédiatement aux fans : le costume de Curtis, ses cheveux rouges, Johan, Greg, Mala, et bien sûr, le Cyberlab. Tout le monde se souvient de ces personnages, c’était notre base. Mais nous avons aussi modernisé certains aspects. Par exemple, Curtis a désormais une coupe de cheveux plus dynamique, qui fonctionne mieux pour les scènes d’action. Johan, elle, est devenue une véritable agente intersidérale, bien plus proche d’une Black Widow que de la jeune fille naïve qu’elle était dans l’anime. Nous voulions refléter l’évolution des représentations féminines dans la société.
Un reboot pour reconnecter les fans et attirer une nouvelle génération
JM : Pourquoi avoir opté pour un reboot plutôt que de continuer l’histoire originelle ?
AT : Ce choix s’est imposé de lui-même. Nous voulions réactualiser certains thèmes qui sont aujourd’hui plus que jamais d’actualité. Les fans de la génération Club Dorothée ont grandi, et nous voulions leur offrir une version de Capitaine Flam qui leur parle en tant qu’adultes. Nous nous sommes également inspirés des différents romans d’Hamilton (Edmond Hamilton, auteur des romans illustrés Capitaine Futur qui ont inspiré l’univers de Capitaine Flam, ndlr) pour enrichir l’univers. Mais nous ne voulions pas nous enfermer dans une réplique exacte des récits originaux. Le reboot est une occasion de réinterpréter l’œuvre tout en respectant les souvenirs que les fans ont du dessin animé des années 1980. C’est une manière de prolonger leur vision d’enfance tout en apportant une dimension plus adulte et philosophique.
Un avenir ambitieux pour Capitaine Flam
JM : Ce reboot est-il pensé comme un projet unique ou envisagez-vous d’explorer davantage l’univers dans de futurs tomes ?
AT : Ce premier volume est présenté comme un one-shot, une histoire complète de 160 pages, qui couvre toute une enquête. Mais nous espérons vivement que le succès sera au rendez-vous, car nous avons énormément d’idées pour la suite. L’univers de Capitaine Flam est immense, il offre de multiples pistes à explorer, tant sur le plan scientifique que philosophique. Si l’aventure continue, nous pourrions revisiter d’autres enquêtes ou même intégrer de nouvelles histoires, tout en gardant des références aux romans d’Hamilton.
Vers un développement cross-média ?
JM : Avec un univers aussi riche, pensez-vous que Capitaine Flam pourrait se développer sur d’autres supports, comme les jeux vidéo ?
AT : Absolument, c’est une possibilité que nous envisageons sérieusement. Nous avons déjà des collaborations avec des studios de jeux vidéo, et Sylvain, qui travaille sur le projet, possède aussi une société dans ce domaine. Rien n’est encore gravé dans le marbre, mais nous ne fermons aucune porte. Cela dit, nous avançons petit à petit pour ne pas brûler les étapes. Mais oui, le potentiel pour un développement cross-média est là, et nous avons de nombreuses idées en tête.
Le regard d’Alexis Talonne sur l’intelligence artificielle
JM : Dernière question, Alexis : que pensez-vous de l’essor de l’intelligence artificielle dans le monde artistique ?
AT : L’IA est un thème central dans Capitaine Flam, surtout à travers les personnages de Greg et Mala, qui sont des intelligences artificielles très évoluées. Personnellement, je trouve l’IA fascinante, mais elle doit être bien encadrée. C’est un outil puissant qui, s’il est mal utilisé, peut causer des problèmes. Mais entre de bonnes mains, c’est un formidable outil créatif. D’ailleurs, je suis souvent en contact avec des IA pour mes recherches, mais je préfère toujours créer moi-même. J’aime l’idée de découvrir par moi-même ce que je vais dessiner ou sculpter. Pour moi, l’IA ne remplacera jamais le plaisir de la création humaine.
Par Hui-Ping PANH
Informations :
Capitaine Flam, L’Empereur éternel
Aux éditions Kana
Collection : Classics
Catégorie : Aventure
Format : 225 x 298
168 pages
En librairie depuis septembre 2024
Prix : env. 25€