La Grande brocante japonaise de FUKUSHIMA Kōji fait son retour à La REcyclerie.
Le printemps pointe timidement le bout de son nez et avec lui, c’est le retour de la Grande brocante japonaise de FUKUSHIMA Kōji, célèbre brocanteur japonais, qui inaugure sa deuxième collaboration avec La REcyclerie. Rendez-vous dans le XVIIIe arrondissement parisien sur le boulevard Ornano pour chiner tout un tas d’objets anciens directement importés du Japon. Véritable immersion dans le Japon traditionnel, cette brocante regorge de trésors à la fois historiques et intimes.
Nous y rentrons comme dans un village dans lequel nous serions accueillis à l’entrée par le maire. Le village, c’est La REcyclerie, agencée spécialement pour l’occasion, le “maire”, c’est FUKUSHIMA Kōji, ancien coureur cycliste, désormais brocanteur japonais réputé et que nous avions déjà interviewé dans notre magazine Japan, Arts et Traditions N°2. En bon hôte, Kōji accueille chaque personne qui franchit le seuil de sa grande brocante et lui sert chaleureusement la main en lui souhaitant la bienvenue. Nous pénétrons ensuite complètement dans cet ancien hall de gare qu’est la REcyclerie et que nous découvrons habillée aux couleurs du Japon. D’innombrables objets sont disposés sur les tables en formica et le tout semble former des rues bordées d’échoppes devant lesquelles nous flânons tranquillement, charmés par l’authenticité parfaitement reproduite de l’endroit.
Au-dessus de nos têtes, de grandes affiches suspendues se mêlent aux koi nobori, ces grands manchons de tissus en forme de poissons typiques du Japon. Ces immenses bâches qui scandent « Join the green side » , « Save the planet B4 [before] it’s 2 [too] late” ou encore “The weather has never been so weird” sont issues de l’exposition “Deadlines : message à caractère urgent” et ont été laissées là, comme pour informer les visiteurs de l’ADN des lieux.
Nichée dans une ancienne gare, la gare Ornano, La REcyclerie a reconverti l’endroit en espace éco-responsable qui comprend un café et un restaurant et organise tout au long de l’année des conférences pour sensibiliser aux enjeux climatiques. À l’entrée se trouve même un atelier de bricolage. Elle héberge aussi volontiers des vernissages d’artistes ou des évènements en tous genres, comme cette brocante japonaise, à condition que l’éthique et les valeurs de l’organisateur soit alignées avec les leurs. Et c’est justement le cas avec Kōji qui le souligne lui-même : « J’ai fondé Hamaya, ma société de recyclage d’objets, en 2018. Des personnes de tout le Japon nous envoient des objets anciens dont ils n’ont plus l’utilité ou qu’ils n’ont plus la place de garder chez eux et, après avoir opéré un tri, nous offrons une seconde vie à ces objets à travers nos brocantes. Exactement de la même manière que La REcyclerie a offert une seconde vie à la gare qui nous abrite en ce moment ! Il y a une dimension écologique à ne proposer que de la seconde main, un désir de lutter contre le consumérisme en montrant que des objets qui ont déjà été utilisés peuvent encore servir, s’ils sont en suffisamment bon état, ou bien même trouver un autre usage ! Cela est laissé à l’imagination de l’acheteur. »
Sa compagne, Minako, co-organisatrice de l’évènement, ajoute : « Le Japon s’est éveillé très tôt en matière d’écologie dans le développement durable et la gestion des déchets, notamment. À travers cette brocante, notre souhait est d’encourager une forme de recyclage des objets et de limiter leur renouvellement abusif, une façon pour nous de nous engager avec notre temps et de nous inscrire dans la continuité de ce qui a déjà été mis en place au Japon il y a des années. »
On nous fera remarquer que les tables sur lesquelles les objets sont disposés sont elles-mêmes des meubles de seconde-main. Rien n’est laissé au hasard.
Nous nous enfonçons à présent dans les allées débordantes de bibelots, vaisselle, poteries et masques emblématiques d’un Japon traditionnel ici ressuscité. Nous flânons parmi les maneki neko (la statuette de « chat qui salue »), les bimbo tokuri (anciennes bouteilles de sake) et les kyotan (bouteilles en bois en forme de courge qui servaient de gourdes à eau). Minako attire notre attention sur les furin, des “cloches à vent” que l’on accroche devant les maisons et qui donnent une impression d’air frais en tintinnabulant. Nous regardons les couteaux japonais rangés dans une petite boîte en bois. Nous passons devant les haori, les vestes que l’on porte par-dessus les kimono, suspendus par dizaines au milieu des plantes grimpantes et des lanternes en soie.
Nous arrivons ensuite dans une petite pièce à l’entrée de laquelle une pancarte nous souhaite la « Bienvenue au royaume des kokeshi ». Les kokeshi sont des poupées sculptées en bois qui représentent des petites filles. Il y a ici l’embarras du choix si l’on souhaite s’en offrir une. Au fond de la pièce, toute une sélection de daruma, figurines en papier mâché qui représentent des moines bouddhistes, est alignée sur des étagères. D’autres figurines sont entassées dans des malles ouverte, à la disposition des visiteurs. Il n’y a qu’à tendre la main pour les voir de plus près.
En sortant, nous empruntons les escaliers menant à une petite pièce qui offre une vue imprenable sur l’ancien hall de gare et donc ici, sur toute la brocante. Tout le long des escaliers, des randoseru, fameux cartables carrés des écoliers japonais, sont accrochées à la rambarde. Il y en a de toutes les formes et de toutes les couleurs.
En haut, l’endroit semble dédié aux vieux albums de photos de famille, « ce que nous recevons le plus » nous indique Kōji. Nous feuillettons ces albums qui renferment des photos de mariages et autres clichés qui capturent les moments marquants d’une vie. Ici particulièrement, nous prenons la mesure d’une autre facette de cette brocante : « Au-delà de la dimension écologique, il y a une volonté de faire connaître le Japon dans sa dimension traditionnelle et intime à travers tous ces objets issus de foyers japonais sur plusieurs décennies. Ces objets qui semblent n’avoir qu’une valeur émotionnelle pour les gens qui les ont possédés en premier trouvent de l’intérêt à l’autre bout du monde, auprès de personnes qui n’ont aucun lien avec ces familles japonaises. Comme s’ils étaient touchés par une sorte de nostalgie d’un temps et de personnes qu’ils n’ont pourtant pas connus. », chuchote Kōji. Rencontre avec l’intime, donc, avec ces albums chargés de souvenirs, comme des témoins de moments privés révolus.
Nous remarquons aussi une grosse malle devant quelques photos détachées qui contient de vieux appareils photos argentiques. « Eh oui, le Japon a été l’un des premiers pays à inventer des appareils photos plus maniables et plus faciles à transporter, ce qui a contribué à démocratiser la photo par la suite. », nous précise Minako.
La visite s’achève là, dans cette dernière pièce qui surplombe le reste de la brocante. Nous apprenons qu’en plus de celle-ci, Kōji organise régulièrement des brocantes à la Cité fertile, restaurant aux mêmes valeurs que La REcyclerie en région parisienne à Pantin, et à la Halle aux poissons, un centre culturel au Havre. Ce qu’il apprécie à La REcyclerie, c’est « la possibilité de pouvoir organiser des espaces à part comme la pièce avec les kokeshi et la salle avec les albums photos, à l’étage. Cela permet de jouer sur l’espace et d’installer des ambiances différentes en fonctions des endroits. » La Grande brocante est désormais terminée, puisqu’elle s’est tenue entre le vendredi 31 mai et le dimanche 2 juin, mais bonne nouvelle ! Face au succès rencontré par la première édition, puis par la deuxième, elle revient fin septembre 2024 dans sa version automnale, toujours à La REcyclerie. « Nous allons sur un rythme de deux Grandes brocantes japonaises par an : une pour ouvrir le printemps et une autre pour commencer l’automne », nous informe la responsable de la communication.
Pour ceux qui n’ont pas pu assister aux précédentes éditions et pour tous les autres, admirateurs du Japon ou simples curieux, rendez-vous fin septembre !
Laura Breidt, texte et photos