Vous êtes-vous déjà demandé comment certaines émotions nous sont transmises grâce au graphisme étudié des œuvres que vous lisons ?
Aujourd’hui, nous allons décortiquer l’univers des manhwa et webtoons, afin de mettre en lumière les différents codes graphiques utilisés pour fluidifier le récit sans pour autant tout expliquer à l’aide de mots. Un trait, un dessin, une forme géométrique… Tous ces détails viennent en effet aider notre compréhension de l’histoire, sans pour autant venir parasiter les dialogues. Investigation.
La bulle qui attaque telle une flèche !
Nous connaissons tous cette technique consistant à utiliser la bulle contenant un texte accusateur ou horripilant pour accentuer l’effet dramatique de la situation. De la bulle part ainsi généralement une flèche qui vient frapper en plein cœur le protagoniste à qui est destinée la critique ou la remarque. Par exemple, dans La Vilaine réécrit l’histoire !, l’héroïne se voit dire qu’elle n’a aucun ami par Luca, un petit garçon à la langue acerbe – elle crache d’ailleurs un peu de sang, tellement les paroles sont dures et mortifiantes. Dans Our Sunny Days – chapitre 2, Sung Ho lance à la figure du chef du village qu’il est un « real jerk/vrai connard » après avoir reçu des commentaires forts peu agréables. La flèche de la bulle vient alors frapper la tête de l’accusé, qui reçoit donc l’insulte en « pleine face », c’est le cas de le dire.
Page intérieure et couverture de La Vilaine réécrit l’Histoire ! © Garine, KEN / yeondam
Lorsque plusieurs remarques s’enchainent, de multiples flèches peuvent venir « percer » le personnage ciblé (comme dans The president who always treat me meals – chapitre 4), créant ainsi une scène réellement délicieusement drôle et grotesque. Les flèches peuvent également être utilisées pour matérialiser la culpabilité : dans The Origine of Species, quand le directeur Seo dit qu’il se sent un peu déprimé à rester assis toute la journée, car hospitalisé après avoir été blessé en protégeant Lee Youngjin, ce dernier reçoit la phrase tel un uppercut indirect. La flèche le traverse d’ailleurs de part en part, montrant le degré de culpabilité qu’il ressent.
L’âme qui sort du corps
Quand les personnages vivent des situations extrêmement humiliantes (comme Soohan après avoir eu une conversation forte embarrassante avec son boss M. Woo dans My Egocentric Boss Is Obsessed With Me – chapitre 2) ou qu’ils n’ont tout juste plus aucune énergie dans le corps (nous pensons notamment à Olivia dans I Can’t Keep Up With My Duke, les lendemains matins après ses nuits épuisantes avec le duc), leur âme est dessinée sous la forme d’un ectoplasme qui s’échappe de leur corps par leur bouche. Souvent, ce « fantôme » arbore les caractéristiques physiques de son hôte (l’âme de Célestia dans Why the kings needs a secretary – chapitre 19, lorsqu’elle est assise dans le carrosse extrêmement luxueux qui lui est prêté pour aller à l’Académie, affiche ses caractéristiques physiques – ses cheveux rouges -, et vestimentaires – son bonnet), ou bien alors revêt un détail « clin d’œil » (Soohan revêt par exemple dans My Egocentric Boss Is Obsessed With Me des oreilles de lapin, rappelant étrangement la tasse préférée de son chef).
Capture d’écran et couverture de la traduction anglaise l’œuvre Why the kings needs a secretary de Bamui
Ce code graphique permet en substance d’exprimer ainsi l’idée que toute vie – ou force mentale – quitte soudainement un corps. Dans I will seduce the Norhtern Duke – chapitre 43, nous pouvons observer une scène cocasse : le duc, quand il se fait embrasser plusieurs fois par Selena – plusieurs cœurs symbolisant chacune des « slaves » -, retient son âme de s’envoler – cette dernière affiche d’ailleurs un sourire satisfait. Une telle interaction entre les personnages et leur « âme » emplit l’effet comique de la situation.
Les oreilles en sang
Afin de montrer la réaction émotionnelle ou physique d’un personnage, l’auteur use de subterfuges graphiques pour nous en transmettre l’intention. Dans Hasard de l’amour – chapitre 2, par exemple, l’héroïne Lee Byeol voit ses tympans percés lorsque sa mère lui demande – en hurlant – où est-ce qu’elle était « passée », car il semblerait que ce soit le coup de feu en cuisine dans leur restaurant. Elle revenait alors de son tour en moto pour nourrir les chats d’une bâtisse abandonnée, où elle a malencontreusement rencontré l’homme avait lequel avait partagé un rendez-vous arrangé quelque temps plus tôt… Ici, les projections de sang montrent à quel point la voix de sa mère affecte ses oreilles.
Pages intérieures des œuvres Hasard de l’amour et L’amour au grand jour. Editeur : piccoma.
À l’inverse, dans L’amour au grand jour – chapitre 1, Han Dajeong a les oreilles qui saignent tellement les propos qui lui sont adressés sont moralisateurs. Les commentaires sont de plus floutés afin de mettre l’accent sur le graphisme théâtral de la scène. Une flèche part d’ailleurs de la bulle qui renferme ses remarques négatives, traversant sa tête de part en part, liant ce paragraphe au précédent sur « La bulle qui attaque telle une flèche ! ». Le passage de la flèche est par conséquent la « cause » de l’explosion des tympans de l’héroïne.
La suite, dans une prochaine chronique !