De la représentation des jours qui suivent la perte d’une personne chère.
Décembre à Paris. L’hiver est désormais à nos portes. La Maison de la culture du Japon, nous accueil pour sa 16e édition du festival Kinotayo : Les révélations du cinéma japonais. Son but est très simple : faire plonger le spectateur français dans le quotidien d’un Japon qu’il ne voit pas souvent. Nous avons pu assister à la séance du film My broken Mariko, réalisé par Yuki Tanada, et joué par Mei Nagano et Nao. C’est une adaptation du manga homonyme de Waka Hirako, sortie en 2019 au Japon, et en 2021 en France.
Le film s’ouvre avec la triste nouvelle de la mort de Mariko. Shiino, protagoniste et amie d’enfance de Mariko, reste ébahie par cette information. Elle mène une vie assez déprimante, et cette nouvelle l’attriste encore plus. À partir de ce moment-là, elle commence à se rappeler de leurs vies ensemble. Le film suit ses souvenirs, afin que le spectateur appréhende le lien profond qui unissait ces deux amies. Le premier souvenir se passe en été, où Shiino est bercée par le chant des cigales et des corbeaux. C’est à ce moment-là, qu’elle découvre que Mariko vie une situation familiale compliquée et difficile. Shiino continue à retourner arrière dans le temps, et se rappelle de nouveau des moments où le père de Mariko était violent envers sa propre fille.
Après la mort de son amie, elle est partie chez Mariko, mais les parents avaient déjà tout enlevé. Il n’y avait que le propriétaire qui se plaignait du fait que l’appartement soit maintenant maudit, bien qu’elle ne soit pas morte à l’intérieur. Ainsi, elle décide d’aller récupérer les cendres, et se rend pour cela chez le père de Mariko. Une fois arrivée, elle lui arrache de l’autel, et commence à le menacer avec un grand couteau de cuisine, l’insultant et lui reprochant ses comportements envers sa propre fille. Puis, elle se jette par la fenêtre et cours sans s’arrêter, avec les cendres de Shiino dans ses bras.
Pleurant la morte de son amie, Shiino se rappelle qu’elles s’étaient promis d’aller à la mer, et se rappelle que Mariko voulait aller au cap de Morigaoka. Pendant qu’elle range chez elle, elle retrouve des vieilles lettres de Shiino, qui lui rappellent alors les jours du collège. Une fois arrivée au cap de Morigaoka, Shiino vit plusieurs péripéties : dans le bus, elle voit une femme qui ressemble à Mariko, et des collégiens qui lui rappellent des moments maussades de leur amitié au collège. Une fois descendue, un voleur lui arrache son sac. Désespérée et sans argent, elle rencontre un pêcheur du coin, appelé Makio, qui l’aide. Elle le rencontre les jours d’après, et tout au long de son séjour, il s’occupe d’elle : lui donne de l’argent après le vol, et une brosse à dents jetable, le lendemain. Dès le début, à la vue des cendres de Mariko, il comprend que Shiino n’est pas dans sa meilleure forme, et lui dit la chose suivante :
「お自分のことをお大事になさってください。」
( Transcription : O-jibun no koto wo o-daiji ni nasatte kudasai )
« Prends soin de toi aussi ».
©2022 « My Broken Mariko » Films Partners
Cette simple phrase fait retourner Shiino dans le passé, lorsqu’elle disait cette même phrase à Mariko. Si nous voulons chercher également un sous-entendu, cette phrase ne serait-elle dite lorsque une personne se néglige pendant son deuil ? Au point qu’elle aussi risque d’en mourir ?
Nous avons lu l’interview de deux actrices, au sein du site eiga.com, et Nao nous décrit le sentiment qu’elle a ressenti, lors de la réalisation du film, notamment sur la mort d’une personne chère :
« Lorsque quelqu’un disparaît, sans savoir pourquoi, je pense que la malédiction du « pourquoi s’est-il passé ? » s’abat sur ceux qui restent. Ils s’infligent la malédiction du « pourquoi » et du « qu’est-ce que j’aurais pu faire ». Je pense qu’à partir du moment où Mariko a appris la triste nouvelle, elle s’est lancée cette malédiction elle-même et a commencé son voyage. J’ai vu le moment où la malédiction a été levée. […] J’ai ressenti l’espoir qu’il y a, au moment où nous pourrons alléger le fardeau de ceux qui ne vont pas bien, mais qui passent leur temps à rire et à dire « je vais bien ». Comme l’a dit Makio, si vous êtes en vie, vous pourrez peut-être retrouver cet espoir. J’ai moi-même ressenti ce genre d’espoir, et j’espère qu’il touchera ceux qui regarderont [le film]. » (notre traduction)
Quand Shiino rentre à Tokyo, son boss est en colère, mais ne la pousse pas à démissionner. Enfin, elle rentre chez elle et un dernier souvenir vient à son esprit : Mariko et Shiino qui jouent avec des feux d’artifices, et parlent des malheureux amours de Mariko. Cette dernière lui dit qu’il n’y a pas de meilleure personne que Shiino, qui cherche tout le temps à lui démontrer son appréhension et son amour.
©2022 « My Broken Mariko » Films Partners
Le film s’enchâsse dans le quotidien assez anonyme de Shiino, qui se retrouve bouleversée à jamais depuis cette nouvelle. Que faire maintenant? Que faire lorsque la douleur étreint notre cœur et que la vie s’écoule indifférente dans les quotidiens des autres ?
Suivant l’histoire du manga, Tanada a bien ciblé le sentiment que l’on ressent les premiers jours d’un deuil : on a envie de partir, on rencontre des gens que nous ne rencontrerions jamais dans notre quotidien de tous les jours. Tout change sans changer vraiment et tout se transforme à jamais. La chaleur du soleil reste là, mais nous savons que maintenant, nous avons quelqu’un qui nous regarde de l’autre bout de l’univers.
Image de couverture : ©2022 « My Broken Mariko » Films Partners
SOURCES :
- Interview « My Broken Mariko », Eiga.com
- Pour aller plus loin : interview en japonais de Nao et Nagano Mei, YouTube
Par Paolo Falcone
l’article est bien mais inversion dommageable des rôles et personnages, c’est Mariko qui se suicide et Shiino qui affronte le deuil
En effet ! C’est corrigé merci 🙂