Elégant, aérien… L’arc japonais est une discipline qui coupe le souffle par la solennité que s’en dégage. Si vous êtes intéressé par les arts martiaux, n’hésitez pas à vous rendre à Animasia en octobre prochain !
Le tir à l’arc au Japon est à l’origine un art martial (武道 budō, litt. « voie du combat »), au même titre que ses comparses les plus connues, telles que le karatedō, le judō, le sumō ou bien encore le kendō. Parmi les budō, ces techniques guerrières féodales, le tir à l’arc se distingue à ses prémisses sous l’appellation kyūjutsu (弓術, litt. « tir à l’arc guerrier »), car il avait une fonction militaire indéniable. L’arc (弓 yumi) est en effet un symbole fort. Il est l’extension du bras guerrier, une arme de longue portée permettant de viser l’ennemi à distance respectueuse, tout en étant également une incroyable démonstration d’adresse. Captivant, cet objet se matérialisa très tôt dans les représentations artistiques, effigie d’une force militaire distinguée et impétueuse : dans les mains de Jinmu Tennō, fondateur mythique du Japon (~711 av. J.-C.), l’arc devient tout de suite un emblème de pouvoir.
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Étant une arme de guerre, l’arc va rapidement contribuer aux succès de nombreuses batailles, devenant progressivement l’apanage des guerriers à cheval issu de l’aristocratie — classe sociale pouvant entretenir des montures coûteuses — pendant la période de Nara (VIIe siècle). Cette discipline est aujourd’hui connue sous le nom de yabusame (流鏑馬, litt. « tirer une flèche en galopant sur un cheval »). Il s’agit d’une archerie montée, désormais pratiquée lors de festivités shintoïstes.
Les guerres féodales entre les différents clans permettront de faire évoluer l’archerie japonaise, tant celle à pied qu’à cheval. L’émergence de la nouvelle classe guerrière des samurai à l’ère Heian (VIIIe — XIIe siècle) va également propulser cette « voie de l’arc et du cheval » à son apogée, notamment lors de la guerre de Genpei (1180-1185) entre les clans Taira et Minamoto. C’est à cette époque que naîtront de nombreuses légendes sur des exploits guerriers réalisés avec des arcs, comme celui de l’archer Minamoto no Tametomo, qui coula un navire Taira d’une seule flèche lors de la rébellion de Hōgen (1156), une guerre civile qui permit pour la première fois aux samurai de s’arroger de hautes fonctions dans la gouvernance du royaume. Le kyūjutsu devint alors à cette époque un art de la précision et de la rapidité, les archers représentant l’élite guerrière japonaise par excellence.
Hokkaido Shrine Festival, 14 mai 2018
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Cette appétence pour l’arc va cependant connaître un frein important à l’ère Muromachi, avec l’arrivée des Portugais en 1543. Premiers Occidentaux à poser le pied sur le sol nippon, à Kyūshū, ils vont introduire des armes encore inconnues à l’époque : les armes à feu. Face aux arquebuses et aux mousquets, l’arc japonais va malheureusement vite se révéler obsolète : les armes à feu sont en effet très puissantes et ne nécessitent presque aucun entrainement au préalable, contrairement à l’arc qui requiert de nombreuses années de pratique… Les Japonais, prodigieux copistes, vont alors s’adapter en produisant leur propre version : des fusils tanegashima (種子島). Ces armes à feu de facture japonaise permettront notamment au premier unificateur du Japon, le daimyo ODA Nobunaga, de remporter la victoire en 1575 contre le clan Takeda lors de la bataille de Nagashino.
L’apport de ces nouvelles armes va considérablement changer la manière de combattre des seigneurs féodaux : ils vont dès lors faire construire d’imposants châteaux, desquels officieront des unités armées de teppō (armes à mèche lente), suppléées par des archers, fantassins cruciaux en cas de pluie, les armes à feu — utilisant de la poudre — devenant inutiles par temps humide. Une nouvelle ère débute alors : finis les grands affrontements en terrain à découvert, les forteresses sont désormais les cibles de raids éclairs ou de longs sièges ! L’arc n’est désormais plus aussi glorifié qu’auparavant, supplanté par l’arquebuse, mais il trouvera un nouveau souffle au cours des siècles suivants.
Ayant une primofonction guerrière certaine, l’arc va peu à peu glisser dans la sphère artistique et spirituelle. Le tir à l’arc va acquérir une dimension solennelle, et va être pratiqué lors d’importantes cérémonies impériales ou bien lors de rituels shintō. Malgré l’utilisation des armes à feu, l’arc va donc perdurer à travers les âges, et devenir une discipline du corps et de l’esprit, appelé kyūdō (弓 道, litt. « voie du tir à l’arc »). L’arc se desquame alors de sa fonction purement martiale, influencé par différents courants religieux, tels que le zen. Les samouraï, toujours présents dans la société japonaise comme fonctionnaires à l’ère Edo (1603 – 1868), sont alors la figure de proue de cet art martial en transition.
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Au cours du XVIIe siècle, le shogun TOKUGAWA Ieyasu inscrira la pratique du kyūdō sur une période pérenne de 250 ans (jusqu’à l’ère Meiji), en instaurant des tournois dans l’enceinte du temple de Sanjūsangen-dō à Kyōto, des défis consistant à atteindre le plus de fois possible une cible placée à 120 m de distance, et cela sur une durée de 24 h. De grands archers s’y distinguèrent, notamment HOSHINO Kanzaemon (8 000 tirs réussis sur près de 10 500 flèches décochées) et WASA Daihachiro (8133 tirs réussis sur près de 13 000 flèches décochées).
Lors de la restauration de Meiji en 1868, le kyūjutsu tombe définitivement en désuétude — chute précipitée par l’abolition de la classe des samouraï —, remplacé par le kyūdō, qui est transmis dès lors par de nombreuses écoles. Le tir à l’arc n’est alors plus qu’utilisé lors de cérémonies religieuses et de compétitions dans un Japon nouvellement unifié et pacifié. Il faudra cependant attendre 1945 pour que les écoles de kyūdō se regroupent afin d’harmoniser cette discipline. Cette date est loin d’être anodine : soumis à un désarmement par les Alliés à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, les arts martiaux se doivent en effet à ce moment-là de trouver une nouvelle chrysalide…
Informations :
Dates : 8 et 9 octobre 2023
Pour plus d’informations, consultez le site Internet d’Animasia et Lenno.
Pour information, le Kyudo et le Yabusame sont deux disciplines différentes.
Le Yabusame utilise l’ancienne forme du Kyudo
Le Kyudo n’est pas appelé aujourd’hui, Yabusame.
Merci de ne pas mélanger