Nous rencontrons des amoureux du Japon partout, tant parmi les lecteurs de manga que parmi les illustrateurs professionnels ! Et aujourd’hui, nous faisons la rencontre de Julien Tran Dinh, un illustrateur freelance qui nous fait voyager en Asie grâce à ses créations !
Interview :
Bonjour Julien. Tout d’abord, comment êtes-vous tombé dans l’univers du dessin ?
Bonjour, depuis mes souvenirs, j’ai commencé à dessiner en voyant mon maître d’école en classe de CP me dessiner un oiseau de mémoire ; j’étais fasciné par la fluidité de son trait.
Par la suite, j’ai eu de la chance d’avoir comme exemple plusieurs tontons qui dessinaient énormément et dont un qui est devenu chef animateur chez Disney et Pixar. Cela m’a motivé à me perfectionner.
Quel est votre métier aujourd’hui ? Avez-vous suivi une formation en lien avec ce domaine ou êtes-vous autodidacte ?
Mon métier actuellement est illustrateur freelance. Je crée une image à partir d’une idée, d’un brief dans des domaines variés comme la publicité, la presse, les marques de vêtements. Mais je réponds aussi présent pour des projets plus artistiques comme des expositions street art, des décorations murales.
Bien qu’ayant un master II d’arts plastiques et différentes formations comme l’étude de la morphologie ou de la couleur, je suis autodidacte dans le domaine de l’illustration et passionné de manière général aux arts graphiques et plastiques. Ma curiosité et l’envie de toujours m’améliorer me permettent de toujours m’amener des idées nouvelles.
J’ai également une pratique du graffiti de plus de 20 ans qui m’a énormément aidé à comprendre la typographie et jouer avec les formes des lettres.
Quelles expériences professionnelles vous ont le plus marquées ? Vivez vous de votre métier aujourd’hui ?
Dernièrement, j’ai participé grâce au parrainage de l’artiste HOPARE à une exposition commune pour le secours populaire chez Agnès B à Paris ; la richesse et l’échange humain avec les artistes/illustrateurs, les organisateurs pour un but caritatif m’ont beaucoup marqué.
Il y a aussi le projet pour la publicité de la marque Audemars Piguet que j’ai adoré faire ; une semaine de dessin intensif pour produire des illustrations manga originales ! Le résultat ne se voit que sur quelques secondes du clip ;), mais là aussi l’échange et la collaboration avec les DA ont été exaltants pour la créativité.
Je vis de mon métier aujourd’hui avec les aléas parfois du freelance ; ma liberté dépend de ma capacité à gérer les revenus de mes projets pour toujours m’imposer une visibilité sur plusieurs mois.
Quels matériels et logiciels utilisez-vous pour réaliser vos illustrations ?
J’utilise principalement un iPad pro avec le logiciel Procreate et un iMac pour mettre en couleur mes illustrations numériques que je travaille avant sur un carnet papier d’inspiration.
Le plus souvent, je commence avec des crayons Col-Erase Prismacolor pour mettre en place l’esquisse et je passe au feutre sigma micron Sakura pour encrer les dessins sur feuille.
Auparavant j’utilisais des plumes et des pinceaux avec de l’encre de chine quand j’avais plus de temps 😉
Sinon j’apprécie tout simplement d’utiliser un stylo à bille noir Zebra Rubber 80 quand je créer une illustration avec beaucoup de détails pour un effet réaliste !
Les références aux cultures asiatiques (notamment japonaise et vietnamienne) abondent dans vos illustrations… Chat facétieux, pieuvre avec une ceinture de sumōtori, onigiri, daruma… Avez-vous une passion pour l’Asie, et en particulier le pays du Soleil-Levant ? Des artistes de ce pays vous ont-ils influencé dans votre pratique du dessin ?
Oui, je ne cache plus les références aux cultures asiatiques surtout pour le pays du Soleil-Levant que j’affectionne énormément. J’ai eu la chance de partir en vacances trois fois juste avant la période du Covid. Le Japon me parle à plusieurs niveaux : ses coutumes ancestrales, le shintoïsme, la cuisine, la culture kawaii, le manga, les robots, toutes ses subcultures sont tellement des sources d’inspiration pour moi.
Mes parents sont d’origine vietnamienne et ce n’est que récemment que je réfléchis à intégrer cette culture très riche également à mes travaux ; vous verrez sûrement d’autres illustrations sur ce thème prochainement.
Pour citer quelques artistes de ce pays qui m’ont influencé, je dirais : Otomo Katsuhiro, Shohei Otomo, Osamu Tezuka, Murakami, Akira Toryama, Hayao Miyazaki.
Vous semblez aimer dessiner des personnages aux formes rondes, à mi-chemin entre le manga et la BD (en ce qui concerne votre travail caractérisé en tant que « color illustration ») et à la fois des personnages plus « réels », matures, dans des décors plus sombres et encombrés lorsque vous réaliserez vos dessins à l’encre. Comment décririez-vous votre univers artistique ? Et quelles émotions cherchez-vous à faire naître chez le spectateur ?
Mon univers est un clin d’œil coloré et fantastique organisé autour du détournement de mes influences : mon regard sur la société contemporaine, la culture japonaise, mes hobbys (gundams, BD et manga, graffiti, la moto, la mode) … Vous avez très bien décrit ces deux aspects de mes illustrations. Ce sont deux process de création : les dessins à l’encre témoignent d’une période où je n’utilisais pas l’outil numérique pour dessiner. J’ai testé beaucoup de médiums et j’ai concentré mon attention sur l’accumulation de détails, les textures et les ombres. Mon univers est le reflet d’une envie de faire coexister des thèmes parfois opposés que j’affectionne comme les robots avec la nature autour d’un personnage sorti de la ville. C’est aussi un exercice d’équilibre graphique où le regard peut vite se noyer ou alors circuler à travers les éléments. Je veux faire ressentir cette exaltation intense du trait presque maniaque et contrôlé. Les dessins à l’encre me permettent d’extérioriser et de me « lâcher » comme des écritures automatiques à contrario de mes dessins en couleur ; en effet ils demandent plus de réflexion au niveau de la conception des formes, l’angle de vue, choix des couleurs, de l’idée et demande d’être ordonné lors de l’utilisation des calques ;)
C’est pour cela que les dessins à l’encre peuvent être plus perturbants, vivants, oniriques et mystérieux selon les compositions. C’est plus instinctif.
Je construis mes dessins en couleur dans un style éditorial, mais en essayant de garder une touche de fun avec une influence d’un graphisme japonais inconsciemment présent. Les dessins en couleur ont pour but d’être plus lisible pour le spectateur, de leur faire écho sur l’intention de l’idée et de faire sourire par sa légèreté.
Pour résumer, j’essaye de transmettre le plaisir que j’ai à créer mes illustrations !
ENCADRÉ
Site Internet : https://julientrandinh.com/
Instagram : she_ra_one