Lorsque nous entendons le mot « apocalypse », nous nous imaginons sans détour les sévères cavaliers du Nouveau Testament, le film de Coppola sur la guerre du Viêt Nam ou encore un paysage désolé, inhabité, où rien ne subsiste suite à un incident de grande ampleur, à l’image de l’état de la Terre dans le film d’animation Albator, corsaire de l’espace d’ARAMAKI Shinji. Or, le titre du manga de SAITO Sakae, Les Promeneuses de l’apocalypse, rompt assurément avec cette iconographique habituellement chaotique et sinistre ! Découvrons ensemble cette œuvre qui jure avec son séduisant titre oxymorique.
Notre découverte commence sur une route laissée à l’abandon, où marcassins et végétation ont remplacé voitures et automobilistes. Sur le bitume chaud pourtant roule une moto, seule, image qui détonne dans ce paysage exempt de toute trace humaine. Et sur elle, nous faisons la connaissance de deux jeunes filles, Yōko et Airi, s’amusant avec insouciance à trouver des mots en suivant l’ordre alphabétique, se chamaillant joyeusement…
Les paysages défilent autour de ce duo : des carcasses de voiture sont devenus la demeure de quelques herbes touffues, les toits des maisons forment désormais des monticules buissonneux, et feux les restaurants sont devenus des sanctuaires où peuvent s’enraciner de majestueux arbres…
S’arrêtant pour manger quelques rations trouvées en chemin, l’une des deux aventurières ouvre un téléphone, où nous pouvons voir qu’il n’y a aucun hors réseau. Une icône est alors présente à l’écran, semblable à une cerise stylisée, accompagnée du mot « touringram », rappelant la seconde partie du titre original du manga : Shuumatsu Touring (終末ツーリング), que nous pourrions traduire par « tournée de la fin du monde ». Une photo d’un compte Instagram apparait alors, montrant le paysage d’antan, que les jeunes filles superposent alors au décor présent, quand soudain, le char d’assaut sur lequel elles s’étaient posées s’anime de lui-même, adoptant un comportement totalement erratique. C’est alors qu’Airi réussit à le pulvériser avec sa main…
Qui sont réellement ces jeunes voyageuses ? Sont-elles venues d’ailleurs pour visiter ce Japon repris par la nature, comme nous irions dans un parc d’attraction ou un zone naturelle protégée ? Ne profitent elles pas des lieux jadis touristiques, comme la vue du mont Fuji ? Ou bien se pourrait-il qu’il s’agisse d’un voyage initiatique, d’une quête sur les traces d’un passé révolu ? La réponse est à découvrir dans le manga !
Nos coups de cœur : Dès les premières pages, nous sommes emportés par l’ambiance enfantine qui se dégage de l’œuvre, impression renforcée par la juvénilité des héroïnes. Ce caractère doux jure pourtant avec le genre littéraire du manga, puisque Les Promeneuses de l’apocalypse se veut être un seinen, une catégorie ciblant particulièrement un lectorat masculin adulte. Contrairement aux autres manga de ce genre pourtant, tels qu’Akira, ou encore le très sombre Berserk, l’œuvre de SAITO Sakae est tout public. Les protagonistes – apocalypse oblige ! – n’en oublient pas pour autant de faire des réserves, même si elles paraissent tantôt étourdies, tantôt impulsives. Cependant, cette quête, qui est habituellement teintée par le sentiment d’urgence, de survie – que l’on ressent notamment dans le seinen Tsugumi Project d’IPPATU, où le héros évolue dans un Tokyo en ruine, lugubre et radioactif -, ici elle se veut joyeuse, comme si aucun danger ne pouvait menacer notre duo féminin. « Flâner », « promeneuses »… même le champ lexical nous ramène à une atmosphère d’insouciance. Elles se permettent même le « luxe » de se montrer altruistes, en indiquant aux prochains visiteurs les lieux où il subsiste encore des rations de nourriture.
Il fut intéressant de découvrir sous un nouveau jour des monuments et des attractions touristiques envahis par la végétation, notamment le bateau iconique du lac Ashi 😊
Informations :
Titre original : Shuumatsu Touring
Auteur : SAITO Sakae
Éditeur VF : Doki-Doki
Format : 200 pages
Prix : env. 7,50 €
Parution : 6 juillet 2022
Par Léa van Cuyck