Il n’est pas toujours facile de s’accepter – surtout à l’adolescence !, puis ensuite de s’affirmer en tant qu’individu dans une société qui n’aime pas la différence, qui pointe du doigt les particularités qui sortent du cadre que les Hommes ont eux-mêmes prescrits.
Dans ce seinen de GAKU Keito, nous faisons la connaissance d’un personnage principal qui s’est intentionnellement mis en marge de la société, car son apparence ne correspond pas à sa nature profonde. La couverture de ce premier tome nous en donne un aperçu clair et saisissant : né dans un corps féminin, WATARI Ryo fait tout pour ne pas porter l’uniforme de son lycée (qui inclut une jupe) qui l’identifie à un genre qui n’est pas le sien. « Je déteste mon uniforme » dit-il dès les premières pages du manga.
Pour gommer toutes caractéristiques l’assimilant au sexe qui lui fut assigné à la naissance, Ryo se bande alors la poitrine et cache ses formes en portant un survêtement de sport. En dehors de l’école, il affirme un style qui lui correspond, à coup de jogging et de sweet-shirt masculin, faisant de ce look streetwear une revendication identitaire tacite, car Ryo a peur de s’affirmer au grand jour, espérant par le biais des vêtements seulement se fondre dans le flux des passants, être reconnu momentanément comme un garçon aux yeux du monde, sans pour autant clamer sa différence, son « anomalie », ayant été autrefois rejeté par ses amis d’enfance à cause de rumeurs « la » décrivant comme « anormale », les gens ne sachant pas quelle étiquette lui mettre : « fille » ou « garçon »… Pour son plus grand bonheur, il parvient toutefois à donner le change, explosant de joie lorsque des jeunes hommes le complimentent en aparté sur sa tenue dans la rue. Ses cheveux courts lui permettent un tel subterfuge, atténuant les traits délicats de son visage.
Cette « double vie » va néanmoins prendre fin lorsqu’un nouvel élève, un redoublant au look de « voyou », intègre sa classe. Le jeune homme, grand, au crâne rasé sur les côtés, aux oreilles percées, porte des lunettes de soleil ostentatoires ainsi qu’une légère barbe sur une mâchoire carrée. SATO Jin fait alors une entrée fracassante, horripilant quelque peu Ryo car il montre une assurance qui lui fait cruellement défaut. Tout va alors prendre un tournant inattendu lorsque tous les deux tombent l’un sur l’autre dans un magasin de vêtements masculins, alors que Ryo est habillé en garçon. Le lendemain, à l’école, Jin lui fera une proposition inattendue : créer une marque de vêtements qui leur ressemble, ensemble. Leur rencontre au magasin lui semble être en quelque sorte un signe de l’univers : vouloir acheter le même t-shirt, au même endroit et au même moment, ne pouvait être que le destin !
Le problème, c’est que Ryo a honte de ses rêves, a peur des répercussions s’il s’affichait définitivement sous l’apparence à laquelle il s’identifie. Il fait d’ailleurs souvent référence au dicton « le clou qui dépasse appelle le marteau… ». Voilà donc dans quel état d’esprit il se trouve quand son camarade de classe l’interpelle. Quelle sera alors sa décision ? Parviendra-t-il à assumer ses rêves ? Entre se cacher ou bien s’affirmer avec des vêtements, quel choix fera-t-il ? En tout cas, nous suivons son évolution à travers des chapitres aux noms évocateurs : Liar, Shame, Collapse… et enfin… Riot !
Coup de cœur : Les manga qui abordent la transidentité et la dysphorie de genre sont peu nombreux. Et lorsque l’un d’entre eux, comme Boys run the Riot, parvient à nous immerger dans la lutte intérieure d’un héros combattant ses craintes, nous ne pouvons qu’être happés par le récit poignant de réalité qui s’offre à nous.
Informations :
Boys Run the Riot
Auteur : GAKU Keito
Editions VF : Akata
Sortie : 31 mars 2022
Par Léa van Cuyck