Une danse qui bouge l’espace, et le façonne.
Kaori Ito naît à Tokyo en 1979, et dès son jeune âge se voue à la danse. Elle poursuit sa formation aux États-Unis, pour ensuite s’installer à Paris, à partir de 2003.
En 2022, nous avons l’embarras du choix entre ses quatre créations. Quatre spectacles à ne pas rater !
Deux corps, un appartement, une danse conjointe, l’amour non-dit du quotidien. C’est ça Embrase-moi, avec la participation de Théo Touvet. Ils décrivent en une heure trente la vie amoureuse d’un couple. « En vous parlant sans retenue de nos histoires sentimentales à travers nos premières expériences amoureuses, nous cherchons à nous dévoiler le plus possible comme devant celui que l’on aime. » Ainsi récite l’un des extraits de la page internet de Kaori Ito. Elle alterne des scènes de vie parisienne du quotidien, dont l’aménagement – une étape importante dans la vie d’un couple -, avec de scènes où les deux amoureux dansent.
Paris, Jardin des Plantes, Quête d’appartement. Un amour, des passés qui s’entrelacent, un future qui les unira. La pluie , les photos des amours passés. Un cercle qui rappel l’homme de Vitruve, deux corps à l’intérieur. Le chiffre 2 ne serait-il pas alors celui qui représente la proportion humaine idéale ?
Sur son site, vous pourrez découvrir mieux que des extraits, des films présentant deux des spectacles, librement inspirés, entrecoupés d’extrait sur scène, ou comme sur scène. FILM DE YVAN SCHRECK
Chers :
Ou du dialogue avec les morts.
Dans cette représentation dansante, Kaori Ito lancent les danseurs dans un dialogue avec les morts. De personnes chères qui ne sont plus là. Si d’abord les danses sont saccadées et discontinuent, à la fin la synergie triomphe parmi les danseurs.
Avant d’aller regarder ce spectacle, nous vous invitons à y emporte une phrase extraite de Sans Soleil de Chris Marker, lorsqu’il parlait d’un enterrement de poupées au Japon : « J’ai entendu dire cette phrase : la cloison qui sépare la vie de la mort n’est pas aussi épaisse qu’aux yeux d’un Occidental. »
À Droite @ Anaïs Baseilhac / À gauche @ Gabriel Wong
Trois danseurs sont démunis face à leur âge adulte, et décident de franchir le cap de l’enfance de nouveau, qui se révèle un mélange entre de la tendresse et de la fantaisie. « Qu’est-ce un secret ? », plusieurs enfants répondent à cette question en arrière son, alors qu’une performeuse danse seule sur scène. Puis les danseurs sont trois et sont habillés de couleurs disparates, dont certaines leur font des sortes de manteaux. Poussés par ce souffle enfantin, ils dansent, pour se débarrasser du superflu, pour faire ressortir l’essentiel, ou tout simplement, pour être plus léger.
Je danse parce que je me méfie des mots :
Il est difficile de décrire avec de mots, un spectacle qui se méfie de ces derniers. Loin d’être une critique, il est admirable de voir comment Kaori Ito décide de creuser dans ses racines, en dansant avec son père Hiroshi Ito. C’est peut-être une divagation personnelle et familiale, de ce que pour elle représentent le Japon et la France. Elle explicite aussi son rapport père-fille, qui se fonde sur le silence. Le spectateur découvre que c’est un rapport profond qui se crée dans un pot-pourri de sentiments silencieux.
« Pourquoi je suis partie du Japon ? »
« Pourquoi je me méfie des mots ?«
« Pourquoi quand je me déplace, j’ai l’impression d’être vivant et quand je m’arrête, j’ai l’impression que je meurs ? »
« Pourquoi je pose ces questions ? »
Au cours du spectacle, elle pose des milliers de questions et nul ne sait si elles sont adressées directement au public, à elle-même ou à son père. Elle nous dévoile son rapport avec son père à travers la danse. Car lorsque les mots sont insuffisants, elle s’abandonne à l’espace. Elle le fait bouger, comme lui a enseigné son père. Ainsi danser avec lui, serait-il une façon de renouer et de reconstruire dans l’art, un lien de sang invisible et fascinant ?
Au début du mois de mai, allez voir Kaori Ito et laissez-vous abandonner à l’espace mouvant qu’elle crée.
Photo de couverture @Laurent Pailler
Par Paolo Falcone