Exploration des saveurs japonaises à travers un conte moderne poignant d’humanisme.
Le Japon est connu pour sa littérature foisonnante, peuplée de héros en armures de samouraï et de geisha enrubannées dans leur kimono, ainsi que pour sa gastronomie colorée, où le poisson cru a su trouver parmi les feuilles de nori irisées son parfait écrin. Et c’est avec une grande sensibilité que SUKEGAWA Durian a su connecter ses deux thèmes majeurs dans son ouvrage Les Délices de Tokyo, livre qui fut adapté en 2015 au cinéma par la réalisatrice japonaise KAWASE Naomi.
L’histoire commence avec Sentarō, un vendeur de dorayaki, pâtisseries japonaises réalisées avec du an, de la pâte d’azuki (haricot rouges), titre originel par ailleurs de l’œuvre cinématographique.
L’ouvrage nous plonge alors dans une existence morne et insipide : les gestes de Sentarō sur la plaque chauffante où cuisent les dorayaki sont répétitifs, sans saveur. Sa seule préoccupation ? Rembourser au plus vite ses dettes pour quitter cet emploi.
Soudain, une miraculeuse apparition va se produire, sous l’apparence d’une vieille femme bienveillante mais effacée : Tokue. Cette dame âgée, experte dans la fabrication du précieux an, s’embauchera pratiquement toute seule, faisant fi des dénégations et doutes du vendeur de dorayaki. Mêlant pondération et justesse du geste, Tokue diluera ainsi sa sagesse à travers la conception d’un an authentique et savoureux, critique virulente de la cuisine industrielle toute prête et sans âme.
Or les doigts estropiés de la vieille dame la lie à un honteux secret, la forçant à vouloir orchestrer dans l’ombre, à l’abri des regards. Celle qui aura su souffler un nouveau vent sur le commerce, attirant par cela une clientèle plus nombreuse, devra cependant bientôt tirer sa révérence, car la rumeur s’est propagée dans le quartier, jusqu’aux oreilles de la propriétaire du magasin de dorayaki : l’héroïne salvatrice va alors devenir soudainement l’intruse indésirable…
Entre scènes d’une sagacité saisissante, pensées erratiques et senteurs sucrées, ce roman nous livre le récit réel des relations humaines ainsi que des vicissitudes qui nous tenaillent chaque jour, obsessions qui nous enferment dans un mal-être aliénant. Seul le bon geste au bon moment saura alors transcender notre quotidien !
Par Léa Van Cuyck