Une histoire de temporalité et d’ouverture sensitive au monde. Par Léa Van Cuyck
Dans la longue tradition des haïku, les poètes fleurissent sur l’archipel nippon, inspirés par les éléments qui les entourent. Chaque région étant unique, tant par ses traditions que son folklore, chacune d’elle recèle donc en son sein des artistes tenant à cœur à exprimer leurs émotions au fil des saisons, confrontés à une nature changeante et capricieuse.
Dans la ville de Matsumoto, Shizuka Miyatsu [page de l’artiste] a trouvé les mots justes dans son recueil Tamayura pour conter les paysages particuliers des Alpes japonaises, des montagnes d’où naissent selon la tradition shintoïste les âmes aux rivières qui charrient ces reliques spirituelles jusqu’aux corps des nouveaux nés tout juste sortis du ventre maternel. Nichés à flanc de falaises ou dans les profondeurs sylvestres, les temples bouddhiques sommeillent sur leurs fondations ancestrales, lieux d’inspiration pour les esprits en quête d’émotions, véritables refuges silencieux qui éveillent les sens. Habitant dans un quartier où les sanctuaires parsèment le maillage urbain, l’auteur, natif de Matsumoto, ainsi protégé par les kami, décrypte alors le monde, les liens unissant la nature et les êtres vivants entre eux, et la mort : en un mot, il philosophe ainsi au gré de ses poèmes sur l’existence elle-même.
Ce poète expérimente et cultive sa sensibilité depuis ses 17 ans, avec humilité et simplicité. Observant le monde depuis la vitrine d’un café local, Miyatsu-san couche sur papier les sensations qui l’assaillissent, et les métamorphoses sous l’apparence élégante de courts poèmes intuitifs et saisissants.
Cet art poétique, il a pu en tirer la quintessence sculpturale grâce à ses nombreux voyages dans son propre pays, d’Hakodate à Ôsaka, mais également autour du globe, avec notamment des séjours à Paris, à Londres et à Vienne. S’inscrivant dans la continuité de Martin Heidegger, auteur de l’ouvrage philosophique Être et Temps (titre original : « Sein und Zeit »), l’œuvre de Miyatsu-san semble vouloir déposer sur notre esprit un peu de cette humilité face au temps et à son lien indéfectible avec l’existence, ainsi qu’avec la beauté éphémère qui règne en chaque chose.
Selon l’auteur, « une bonne œuvre d’art nourri l’esprit ». Nourri lui-même lors de ses voyages en France par des auteurs tels que Mallarmé, Simone Weil et Antonin Artaud, l’auteur, ayant trouvé une certaine résonance dans la culture française, souhaite donc à travers son recueil se tendre vers un public dont il sait intimement que son œuvre entrera en résonance. C’est pourquoi le choix d’éditer un recueil en version bilingue a vu naturellement le jour, grâce au soutien d’un traducteur, Sylvain Danjaume, expatrié natif des Hautes-Alpes françaises.
Laissez-vous donc surprendre par les quelques 62 poèmes de Shizuka Miyatsu, réunis dans un écrin de papier argenté fait main. Disponible sur Etsy (pour environ 16,50€) et prochainement sur Amazon.
Par Léa van Cuyck